Le Genêt à balais : de Bretagne ou d'Espagne ?

Chateaubriand dans sa description du printemps en Bretagne (Mémoires d'outre-tombe) décrivait les fleurs du Genêt à balais  comme "des papillons d'or". En effet, vous ne pouvez pas louper cette papilionacée sur les landes bretonnes, car les maigres sols acides sont son terrain de prédilection. Une symbiose de ses robustes racines avec des bactéries lui permet de fixer l'azote libre de l'air pour compenser la faible disponibilité de cet élément dans les sols acides. C'est pour cette raison qu'il a été  autrefois utilisé comme engrais vert ou de nos jours comme végétation de fixation des talus caillouteux des autoroutes.  Des variétés ornementales prostrées servent quant à elles à aménager des rocailles.

C'est un arbrisseau ligneux pouvant aller jusqu'à 2 m de haut avec de petites feuilles trifoliolées  insérées sur les jeunes tiges de l'année. Ces feuilles tombent rapidement à la fin du printemps pour ne laisser apparaître le reste de l'année que des tiges dressées, anguleuses et vertes. Cette adaptation morphologique destinée à limiter l'impact du soleil aride peut être aussi expliquée plus poétiquement : lors de la fuite en Egypte, raconte la légende, toutes les plantes écartaient leurs rameaux pour laisser la Vierge Marie portant l’enfant Jésus et les refermaient derrière elle pour cacher sa piste aux soldats d'Hérode ; une seule resta insensible et raide, le genêt, et c'est pourquoi il fut condamné à demeurer dur et sec jusqu'à la fin des temps...

Ces mêmes rameaux, une fois âgés, noircissent par la dessiccation. Ainsi, le Sarothamne servait à la campagne à faire des balais, d'où l''étymologie grecque:  saros, signifiant balai, et thamnos, buisson. Il n'y eut qu'un pas pour que dans les contes moyenâgeux on décidât qu'il fût le moyen de transport pour les sorcières. Il conserva longtemps cette mauvaise réputation, d'autant qu'on savait qu'il entrait dans la préparation de nombreuses mixtures et philtres magiques de ces mêmes sorcières.

Mais, préférons la couleur jaune d'or et très attractive de l'étendard et des ailes de la corolle. Cette couleur intense est due à la présence de pigments flavoniques. Parfois utilisés pour colorer les œufs de Pâques, ils ont aussi servi à teindre en jaune ou vert les tissus. D'ailleurs, le vert des broderies de la tapisserie de Bayeux provient du genêt à balai qui pousse en abondance en Normandie et dans le sud de l'Angleterre. C'est probablement aussi pour cette raison, que le Genêt a aussi été l'emblème des  souverains normands d'Angleterre, de 1154 à 1485, en souvenir de leur ascendant, Geoffroy V, comte d'Anjou, qui  avait l'habitude à la bonne saison d'attacher un rameau fleuri de Genêt à son casque. Ce fut le début de la dynastie des Planta-genêts.

Toujours dans la fleur, la forme caractéristique de la carène permet un accès facile pour que les bourdons puissent butiner le nectar situé au fonds de la fleurs. Une observation attentive, permet d'observer un mécanisme remarquable d'extension des étamines enroulées et du dépôt du pollen sur le dos de leur visiteur. Une fois fanées, les fleurs se transformeront en gousses comprimées, longue de  5 cm, velues et noires , et qui exploseront bruyamment les jours chauds et secs de l'été,  pour projeter aux alentours 8 à 12 graines luisantes. Cette technique d'espèce pionnière  est en parfaite adéquation avec les habitats dégagés qu'elle colonise : clairières, coupes forestières, landes, lisières des chemins.

Derrière son aspect enjôleur et son parfum de noix de coco, méfiez-vous tout de même des usages que vous pourriez faire des fleurs de la Juniesse : seules les boutons floraux peuvent être consommés et être confits au vinaigre, en guise de câpres (attention à ne pas utiliser les fruits qui contiennent de la lupanine qui est un poison hépatique et nerveux).

Une fois les fleurs épanouies, seul l'usage à dose thérapeutique peut être envisagé. Elles contiennent de la spartéine qui peut être utilisée en injection pendant les accouchements, afin d'activer les contractions de l'utérus, par contre, il est formellement contre-indiqué pendant toute la période de la grossesse, car il possède un effet abortif. Ce même alcaloïde était aussi utilisé empiriquement  comme antidote des empoisonnements par morsures de vipères : les brebis qui se nourrissaient de Genêt semblaient immunisées contre les morsures de serpents. Toutefois, à dose trop forte, dans les cas graves, l'intoxication peut évoluer vers une paralysie et un coma, donc pire que la morsure du serpent !
Donc, par précaution restreignez vous à utiliser le Spartium à balai  pour faire des balais, construire des cabanes, chauffer le four du potier ou du boulanger. Par contre, si vous vous évertuez à réaliser des spartiates basques, typiques des Pyrénées atlantiques  avec l'écorce raclée et filée, vous feriez mieux de réviser vos cours de botanique, car c'est avec le Genêt d'Espagne (Spartium junceum L.)  qu'elles sont réalisées !