Dans la Grande Berce, il y a à boire et à manger …

Heracleum sphondylum L.

 

 

 

Grande de par son nom, la Grande Berce l’est aussi par sa taille, jusqu’à 1 mètre et demi. C’est une Apiacée (ex Ombellifère) encore méconnue dans nos assiettes, au regard de ses cousines de la même famille : les carottes, le panais, le fenouil, l’angélique…..et comme dans toute famille, il y a les parias, comme la ciguë ! Non, le but n’est pas de vous effrayer à chaque bouchée, à part les inflorescences en ombelles, elle se distingue aisément par sa tige très robuste, dressée, ramifiée, anguleuse, profondément striée, et surtout avec des soies dures. C’est notamment cette robustesse qui la fait dépasser de toutes les autres herbes qui l’accompagnent dans les prairies humides et les sous-bois marécageux. C’est aussi l’origine de son nom scientifique, Heracleum fait allusion à la force du héros antique en la personne d’Hercule, et sphondyle, signifie la colonne vertébrale.

Ainsi, notre Branc Ursine (du bas latin et de l'italien branca ursina) ou Patte d’Ours (allusion à la forme des feuilles à 3 ou 4 lobes velus issus d’un robuste pétiole engainant), a fière allure. Sa floraison de juin à octobre, les mêmes habitats humides et riches en matières organiques, les imposantes inflorescences blanchâtres issues de grosses bractées engainantes, rendent la confusion aisée avec l’Angélique des bois, mais cette dernière est plus rougeâtre et sans poils.

C’est une plante principalement des régions septentrionales de l’Europe. On y trouve son usage le plus courant dans la fabrication d’une boisson tonifiante, mi-bière, mi-potage qui était fabriquée par les Polonais et les Sibériens qui faisaient bouillir puis fermenter les feuilles avec les graines aromatiques. C’est de cet usage culinaire que vient le nom courant de Berce du polonais « bartszcz »…. et non pas parce que l’on y abandonnait les bébés hurlants dans les bois de marais pour qu’ils soient bercés par la plante!

Le papa slave buvait sa potion pour lutter contre la fatigue et stimuler l’énergie, du fait de la présence d’huiles essentielles et de vitamines. La maman slave, quant à elle, devait surtout apprécier son effet emménagogue hypotensif durant les flux menstruels. L’effet excitant a été démontré à partir de 1926 par le médecin militaire Henri Leclerc, alors que jusqu’à la renaissance on l’utilisait surtout pour « chasser les vers du cerveau ». Ces mêmes vers devaient voyager car ce sont plutôt les troubles digestifs que la Grande Berce peut soigner par ses propriété astringentes et diurétiques. Plus récemment, on a découvert que la Grande Berce contient de la furocoumarine, substance photosensibilante qui sert à soigner des maladies de la peau comme le psoriasis ou le vitiligo, mais avec comme recommandation première d’éviter l'exposition au soleil lorsque la plante est consommée, de même, pour les personnes sensibles il est recommandé de se protéger les mains lors de la récolte car cette plante irrite la peau.

Moins connus, d’autres usages culinaires sont présentés dans des ouvrages spécifiques : les tiges encore tendres et juteuses se mangent crues, comme des bonbons, sitôt après la cueillette (Le test a été fait avant cet article, et l’auteur est toujours vivant !) ; les jeunes feuilles et les jeunes pousses récoltées avant la floraison sont cuites à l'eau salée et mangées en salade ; les graines très aromatiques peuvent être utilisées comme aromate ; au Kamtchaka, on produisait du sucre et du vin avec les racines de la plante.

Enfin, si vous n’être pas attiré pour servir de cobaye dans des tests culinaires démoniaques, vous pouvez toujours vous amuser à confectionner des gicloires ou pistolets à eau avec les tiges creuses pour arroser celui ou celle qui vous propose d’en manger.