Le Nénuphar blanc : la déesse des eaux dormantes.

Nymphaea alba L.

 

 

 

Qui ne se souvient des très célèbres tableaux de Nymphéas du musée parisien de l'Orangerie représentant le jardin de Claude Monet, à Giverny ? Outre que sur les murs du musée, les Nénuphars blancs se retrouvent aussi dans les eaux dormantes des bras morts de rivières ou d’étangs paisibles. On dirait des fleurs de Magnolia posées sur le reflet calme de l’eau, avec de nombreux pétales blanc pur, disposés en cercles concentriques et se transformant en de nombreuses étamines jaune d’or au centre de la fleur.

Certains nous diront qu’ils en ont vu de toutes les couleurs. C'est fort probable, car ce Lys des étangs, de par la beauté de ses fleurs, présente de nombreuses variétés ornementales avec des coloris allant du blanc pur au rouge pourpre en passant par toutes les gammes de rose tendre. Une telle beauté ne pouvait être attribuée qu’à de jolies jeunes filles représentant la Nature, les Nymphes, déesses de second rang dans la mythologie gréco-latine. D'une beauté irrésistible et fatale, celles-ci hantaient bois, fleuves et rivières, séduisant aussi bien les dieux que les mortels. Symbole exacerbé de la sensualité, elles furent à l'origine de bien des jalousies d’où l’origine du mot nymphomane. Et pourtant, il n’y a pas très longtemps de cela, la femme jalouse ne se gênait pas de dire à son mari volage : « pour te calmer je vais te faire une tisane de Nénuphar », tant les propriétés sédatives et anaphrodisiaques de cette plante était connues. Cette « Herbe aux moines » était notamment prescrite en médecine populaire sous forme de sirop de nénuphar pour soigner le priapisme douloureux.

Malheureusement, le monde des mortels est beaucoup plus cruel. Le Nénuphar blanc est une plante de milieux oligotrophes, c'est-à-dire avec des eaux présentant peu de matières nutritives. Du fait de la dégradation de la qualité des eaux superficielles provoquée par les eaux usées et les eaux de ruissellement des cultures, on observe, dans toute l’Europe septentrionale, une nette régression de cette espèce très sensible à la pollution. En France, elle est protégée uniquement en région Provence-Côte d’Azur, mais aussi dans de nombreux états européens.

On est loin du temps où les jeunes filles allaient en barque cueillir des bouquets parfumés de nénuphars pour garnir l’autel des jours de communion. Désormais, il est préférable de se lancer dans la culture de Nénuphar ! Rien de plus facile, à partir d’un rhizome enfoui dans la vase, la plante se multiplie facilement. Il est souvent vendu dans des paniers pour permettre un début de croissance à une profondeur moindre et pour éviter le fouissage des poissons. Ainsi, en présence d'une luminosité suffisante, des feuilles translucides vont se développer et rester immergées, pour disparaître au cours de l'été et être remplacées par d'autres feuilles à large limbe vernissé et imperméable en forme de cœur. Ces dernières se développent à l’extrémité de longs pétioles de 1 à 2 mètres, et flottent à la surface de l’eau pour assurer ses échanges gazeux. Du bourgeon apical de ce rhizome vivace se développent de longs pédoncules qui permettront à la fleur d’émerger et de s’adapter aux variations du niveau de l’eau. C’est une nécessité car la fécondation sera effectuée par les insectes. Une fois la fécondation effectuée, le pistil se transformera en une capsule globuleuse, qui mûrira sous l’eau, et se déchirera en libérant de nombreuses graines. Si le dicton dit « quand la fleur de Nénuphar blanc se ferme et plonge sous l'eau c’est que la pluie n'est pas loin », cela fait allusion à la période de maturation du fruit qui a lieu vers la fin de l’été avec les pluies automnales qui ne sont pas très loin. Ainsi libérées, les graines sont munies d’une expansion visqueuse, et viennent alors flotter à la surface, en masses blanches écumeuses, et, emportées par les courants, iront germer sur d’autres bancs vaseux peu profonds et ensoleillés, pour créer de nouveaux habitats propices aux nymphes et à Monet.