Le Roseau à balais : une flexibilité à toute épreuve !

Phragmites australis (Cav.) Steud. subsp. australis

 

 

 

 

Besoin de sortir ? Une petite virée dans les marais ou sur le bord d’un étang... rien de tel pour observer le Roseau à balais ! Avec beaucoup de chance et de patience, l’ornithologue passionné pourra y observer le Phragmite des Joncs ou entendre le chant sourd du Butor étoilé qui y trouve refuge et s’y reproduise.

Mais, attention de ne pas vous perdre dans le labyrinthe d’une roselière pouvant atteindre 4 m de haut et couvrir parfois plusieurs hectares ! Cette propension à occuper tout l’espace, a conduit à considérer le Roseau comme une espèce envahissante, notamment en Nouvelle-Calédonie ou en Amérique du Nord où une sous-espèce s’est adaptée jusqu’à prospérer le long des bords de routes.

Le Roseau est très cosmopolite et notre variété d’origine européenne, le Roseau commun (Phragmites australis (Cav.) Steud. subsp. australis), nous rend bien des services. Ses longs rhizomes, vivaces et rampants jusqu’à 2 mètres, aident à la fixation des berges et la stabilisation des vases organiques. Celles-ci sont constituées de matières en suspension apportées d’une crue et de la forte production de matière organique provenant des chaumes et les feuilles de roseaux qui sèchent à l’automne. Plante indicatrice des sols saturés en eau, cette forte accumulation de matière organique permet de produire la tourbe qui, au bout de 4 ans, servira pour le chauffage ou de substrat de culture.

À plus petite échelle, les Roseaux sont aussi utilisés dans les stations d'épuration où des filtres plantés de roseaux complètent la dépollution des eaux usées, notamment en faisant diminuer la teneur en azote dissous. Ce même principe se retrouve dans les milieux naturels, où d’immenses roselières contribuent améliorer la qualité de l'eau avec un rôle de tampon, voire même, à piéger les métaux lourds grâce à une association avec des champignons aquatiques détritivores qui fixent des ions métalliques collectés dans l'eau. Toutefois, il y a des limites à la dépollution par les Roseaux, car on a pu observer leur régression autour de certains lacs européens présentant de fortes pollutions organiques.

Les Roseaux sont toujours utilisés, localement, dans la constitution de murs et de toitures de maisons : mudhif des Arabes des marais en Mésopotamie ou chaumières dans la Grande Brière en Bretagne, ou encore en Camargue, les toitures des cabanes de gardian sont constituées de Roseau aussi appelé la Sagne. Dans la cuisine de ces habitations de terroir, va-t-on jusqu’à manger de jeunes pousses tendres de roseau crues ou cuites à la vapeur comme en Asie ?

Très connue, la fable « Le Chêne et le Roseau » de Jean de la Fontaine symbolise la faiblesse et la vulnérabilité de l'homme, mais aussi sa résilience, avec le Roseau qui dit devant l’arrogance du Chêne "Je plie, et ne romps pas." Dans le même esprit, de petite taille et de maigre stature, le jeune nippon Jigoro Kano (1860 – 1938) avait pour habitude de perdre souvent lors des combats martiaux avec ses adversaires et de rentrer déçu. En observant un Roseau qui pliait sous le poids de la neige puis se relevait sans se casser, contrairement à un Chêne voisin plus fort mais dont les branches cassaient sous le poids de la neige, germa en lui l’idée d’un nouvel art martial : le Judo.

Son autre symbolique de fertilité, est illustrée par la légende grecque où la très belle nymphe Syrinx est transformée en Roseau quand elle se jette dans les bras de son père, le fleuve Ladon, par peur de l’élan amoureux de l’effrayant dieu de la fécondité Pan. De colère, ce dernier brisa le Roseau en morceaux inégaux, mais, de remords, il les ressouda avec de la cire ce qui donna la flûte de Pan pour chanter la douleur de son amour perdu.

Dans de nombreuses civilisations, le Roseau est aussi un symbole de purification. Ainsi, les ukrainiens disent que le roseau poussé au-dessus du corps d'un noyé accuse l'assassin, si l'on en fait une flûte. Affaire classée...et élucidée !

Enfin, voici un moyen mnémotechnique pour bien reconnaître le Roseau commun : les feuilles ont une longue gaine lisse qui entoure la tige, puis le limbe se détache de celle-ci en une lanière rude et pointue. Regardez la ligule, à l’insertion du limbe sur la tige, s’il y a une simple ligne de quelques poils blanchâtres courts c’est le Roseau commun, si c’est une sorte de membrane déchirée, c’est la Baldingère généralement moins haute. Et flûte (de Pan…) vous avez perdu ! Il y aura une session de rattrapage à la floraison de juillet à septembre, car le roseau présente une large panicule dense (comme un plumeau ou balais de sorcière), déjetée d’un côté, brun violacé parfois noirâtre, alors que la Baldingère forme une panicule plus contractée et brun clair. Et là, pas de confusion possible.

Vous avez gagné le combat des botanistes ! Bravo !