La Grande Ortie : qui s'y frotte, s'y pique!

Urtica dioica L.

 

 

 

Si par méconnaissance vous ignorez l’existence de la Grande Ortie (Urtica dioica L.), une chose est sûre c’est qu’elle sera  vous le dire en latin, car « urere » signifie brûler, ou en vieux français, puisque « ortier » signifiaitflageller quelqu'un avec une branche d'ortie. De même, trois cent vingt noms populaires peuvent désigner l'Ortie, ils font tous allusion de près ou de loin à ses propriétés urticantes. Il existe aussi de nombreuses expressions imagées, comme le « jardin aux orties » à la place du cimetière, ou  « Gracieux comme une poignée d'orties » pour une personne fort désagréable.
Il est vrai que ses feuilles et ses tiges sont pourvues de. poils glanduleux qui sécrètent un subtil mélange chimique composé d’histamine, d’acide formique, d’acétylcholine et de sérotonine, responsable de la brûlante démangeaison. Mais ce n’est pas pour ces armes que l’ortie était appréciée durant la Première Guerre Mondiale : la couleur naturellement verte de la fibre d’ortie, a servi à fabriquer des tentes, des sacs à dos, jusqu’aux sous-vêtements des poilus. De nos jours, si l’utilisation industrielle de la fibre d’ortie a été abandonnée pour des raisons techniques et de coûts, elle est toujours utilisée pour l'extraction de la chlorophylle des chewing-gums.
Peu sociable, l’ortie forme des peuplements vivaces et denses grâce à ses rhizomes ; si bien que l’on trouve des clones issus de la reproduction végétative sur plusieurs mètres carrés. Ainsi, lors de la floraison on ne trouve que des fleurs mâles dressées sur certains pieds ou que des fleurs femelles pendantes sur d’autres. On dit alors que c’est une plante dioïque.

Cosmopolite dans les régions tempérées, elle est très commune dans toute la France où elle prospère dans les lieux incultes frais et humides : décombres de villages et broussailles. C’est la plante rudérale par excellence et c’est un très bon indicateur des sols riches en azote.
           
Si l’ortie ne tolère pas la compagnie de la gente végétale, elle est tout de même la plante-hôte obligatoire d'une trentaine d'insectes comme de magnifiques papillons de jours. L’ortie devient alors l’auberge de la providence pour les mésanges, qui y trouvent au printemps de quoi nourrir leurs nichées,  et des perdrix et faisans qui raffolent de ses graines très nutritives.

Nous, humains, ne sommes pas en reste, quand elle est fraîche, jeune et tendre, nous pouvons la consommer soit crue, soit cuite, préparée comme des épinards ou en potage. Vous pouvez aussi la boire en infusion chaude ; elle  fera de vous une personne très à la mode, comme au milieu du XVIIIe siècle. Enfin, une fois avoir bien mangé vous pouvez toujours vous servir des orties comme détergent pour faire la vaisselle du fait de sa teneur en acide formique !
           
Si ces expériences culinaires vous rebutent,  vous pouvez toujours donner ses graines aux poules pour qu’elles pondent plus, aux cochons pour qu’ils soient plus gras, au vieux canasson dont vous voulez vous débarrasser à bon prix pour qu’il soit plus fringant et ait un poil brillant. C’est aussi la véritable panacée au potager : le purin d’ortie sert  d’insecticide, de produit phytosanitaire et d’engrais,  tout est question de doses…mais toujours avec la même odeur!

Mais la grande valeur de l’ortie réside bien dans ses propriétés médicinales. Empiriquement connu comme un excellent anti-rhumatismal et  anti-oxydant il est soit disant le secret de l'éternelle jeunesse. Désolé de vous ôter vos belles illusions, mais, une étude clinique a prouvé son inefficacité pour cela. Par contre, sa richesse en vitamines, pigments, oligo-éléments et sels minéraux en font un excellent  tonique pour lutter contre la fatigue, la déprime et c’est … un aphrodisiaque de premier ordre !  En Afrique noire, lors des rites initiatiques, des tribus pratiquent la  flagellation avec des orties  durant 3 jours pour chasser toute féminité chez le jeune garçon avant qu'il ne devienne un homme. Au Pérou, ce n’est guère mieux puisqu’on flagelle avec des orties une épouse accusée d'adultère. Heureusement, en Europe, on dit que quelques feuilles placées sous les draps, à l'insu du partenaire, suffisent à procurer d'intenses émois! Plus pragmatiques étaient les vétérinaires de l’ancien temps qui frottaient les organes génitaux mâles pour favoriser la monte des chevaux ou des taureaux destinés à la reproduction. On comprend mieux maintenant pourquoi dans l'Antiquité, l’ortie était dédiée à Vénus…qui s’y frotte, s’y pique !