L’Aubépine : à la croisée des croyances

Crataegus monogyna Jacq.

 

 

 

Fleur de printemps et de renouveau, l'Aubépine à un style (Crataegus monogyna Jacq.) est un des arbustes qui annonce le retour des beaux jours en ornant les haies et fourrés de son abondante floraison. Une multitude de corymbes de fleurs blanches, quelquefois rosées, et "... tout bourdonnant de l'odeur des aubépines..." Proust, attire des nuées d’abeilles qui raffolent de son miel et de son pollen. Elle reste alors le symbole de la délicatesse et de la plus fraîche beauté malgré le mauvais souvenir qu’elle peut laisser lors d’un contact douloureux avec ses branches hérissées d'épines acérées, ou pire encore,…le contact ultime du supplicier avec le dur billot en bois d’aubépine !

Longtemps avant notre ère, aux repas de noces qui se déroulaient à Athènes, chaque convive portait une branche d'aubépine, gage de bonheur et de prospérité pour l'avenir des époux. A Rome, c’était le marié lui-même qui en agitait un rameau en conduisant sa femme vers la chambre nuptiale en guise de désir de fertilité. Cette tradition perdura pendant des siècles, puisque les flambeaux qui éclairaient la chambre nuptiale étaient de bois d'Aubépine conservé spécialement pour cette occasion solennelle. Cela devait fonctionner puisque 9 mois plus tard, la maman remettait cela en attachant de l'aubépine au berceau de son nouveau-né pour le mettre cette fois ci à l'abri des mauvais sorts et des maladies. Ne peut-on y trouver une explication rationnelle et sérieuse ? Au XIXème siècle on découvrit que les sommités fleuries contiennent des substances actives (hyperoside et vitexine) qui sont des antispasmodiques légers et des sédatifs.  

Plus tard, l'avènement du christianisme au Moyen Age n'a fait que confirmer ces croyances avec un peu plus d’austérité : les feuilles de l'aubépine, portées en sachet, assuraient la chasteté;  talisman très utilisé dans plusieurs confréries de moines et de religieuses. C'est aussi, de l'aubépine qui aurait servi à tresser la couronne du Christ. Du coup, en Normandie, encore aujourd'hui, on affirme que la foudre épargne l'Aubépine (ou la maison qui en est ornée) parce la foudre est l'oeuvre du Diable et qu'elle ne peut frapper une plante qui a touché le front du fils de Dieu… tandis qu’en Bretagne la légende raconte que le rouge-gorge a taché sa poitrine en cassant avec son bec une épine de la couronne de Jésus.

Les croyances païennes n’étaient pas en reste, puisque dans de nombreuses régions, on tressait au printemps des couronnes d'aubépine pour que les fées ou les anges qui viennent danser la nuit autour des buissons embaumés puissent s'en coiffer et témoignent leur reconnaissance en répandant leurs bienfaits sur ceux qui ont eu cette attention à leur égard.

Après ne nous étonnons plus que de nombreux poètes et romanciers aient trouvé dans cet arbuste une grande inspiration. Jehan Froissart, Bernard Palissy, Clément Marot, Bernardin de Saint-Pierre, George Sand et bien d'autres lui ont rendu hommage sous les noms les plus divers : épine blanche, ou noble épine, sable épine.

Par contre, l’histoire ne dit pas si ces illustres auteurs s’étaient délectés des cenelles de l’aubépine, ses baies rouges et âpres, à l’image de leurs lointains ancêtres de la préhistoire ? Essayez les vous-même, et vous devinerez peut-être pourquoi certains iconoclastes les appellent les  « poires à bon Dieu » ! Mais attention, un surdosage peut provoquer des troubles cardio-vasculaires.

Une chose est sûre, c’est que les oiseaux y trouvent le gîte et le couvert, même tardivement dans la saison, et que l’Aubépine est une véritable providence !