Marron ou châtaigne : souvenez-vous-en ?

Castanea sativa Mill.

 

 

 

Pour certains d’entre nous, plus que le Châtaignier ou Castagnié, c’est son fruit, la châtaigne, qui laisse des souvenirs nostalgiques. Peut-être sont-ils liés aux piqûres provoquées par ses bogues, ces sortes de petits hérissons verts qui nous tombent sur la tête ? Mais, que contiennent-ils : une châtaigne ou un marron ? Pour le savoir, mieux vaut attendre l’ouverture de la bogue en 4 valves pour y découvrir 1 à 3 fruits. Coupez une de ces châtaignes en deux, et s’il n’y a pas de division avec la seconde peau, c’est un marron, sinon c’est une châtaigne. Généralement, les châtaigniers sauvages ne produisent que de petites châtaignes, seulement bonnes à nourrir les cochons, mais il existe de nombreuses variétés qui ont permis d’avoir une meilleure productivité avec de gros fruits… mais toujours avec des bogues piquantes ! Une fois récoltées, vous pourrez manger vos petites « boules brûlantes » ou « hirondelles d'hiver », car les marrons grillés permettent aux passants autant de se réchauffer les doigts que de patienter jusqu'au prochain dîner avec des doigts tous noirs !
Pour d’autres, ce sont les grandes feuilles lancéolées d’une vingtaine de centimètres qui rappelleront les jeux simples de leur enfance. Il suffisait d’ôter le limbe vert sombre et luisant sur le dessus, situé entre les nervures parallèles jusqu’aux bords dentés en scie et on obtenait une superbe arête de poisson !

Souvenir, souvenir…celui de l’odeur nauséeuse à la fin du moi de juillet. On en cherche la provenance et l’on découvre la proximité d’un arbre recouvert de longs chatons grêles, interrompus, chargés de pollen jaune pâle. Ce sont ces fleurs mâles que les abeilles iront butiner pour donner un miel brun et fort de goût. Les fleurs femelles, quant à elles, plus discrètes, sont groupées par 3 à la base des chatons mâles. Elles se transformeront jusqu’au début de l’automne en bogue et châtaignes.

Souvenirs perdus …des données paléontologiques, ont montré que le châtaignier a fait partie de la flore française depuis le début de l'ère quaternaire pour disparaître jusqu'à la fin de la dernière glaciation (-10 000 ans quand même !). Sa répartition géographique a fluctué par la suite, mais il est resté spontané dans les régions méditerranéennes et d'Asie mineure, pour s’acclimater dès l'antiquité dans la plupart des pays d'Europe centrale. Cette répartition est principalement liée à l'expansion de sa culture à partir du moyen-âge. Ceci est attesté par le capitulaire De Villis, rédigé à l'époque de Charlemagne, dans lequel on incite au développement de la culture du châtaignier. C’était l’Arbre à pain qui permettait de suppléer au blé dans les régions aux sols pauvres. Dans le Limousin, la châtaigne était la principale source de nourriture aux XVIIe et XVIIIe siècles. Elle était consommée bouillie, accompagnée de lait ribot ou caillé, grillée, séchée (fumée sur des claies), déshydratée, et sous forme de préparations diverses faites à base de farine de châtaignes.

Souvenirs du Sud …de ses origines, on retrouve son nom latin « castanea », lui-même dérivé du grec « kastanon », qui fait référence à une ville de Thessalie (Centre-Est de l’Italie) renommée dans l'Antiquité pour la qualité des châtaignes qu'on y récoltait. Non loin de là, il y a quelques années, existait encore en Sicile sur les pentes de l'Etna, un châtaignier creux de 56 m de circonférence, appelé des "cent chevaux", parce que, selon une tradition locale, cents cavaliers pouvaient s'abriter sous ses branches, et un troupeau de moutons pouvait rentrer dans le creux de son tronc. On le disait vieux de plus de 3000 ans ! Loin de ces records de longévité, le châtaignier a ordinairement une croissance vigoureuse pendant 50 à 60 ans pour donner un tronc massif trapu avec de profondes fissures longitudinales. Avec l’âge, le tronc s'évide souvent sous l’action de champignons et de ravageurs qui attaquent le bois. Parfois, les maladies comme la maladie de l'encre, le chancre de l'écorce, conjugué à une déprise de sa culture fruitière au dépend de l’exploitation tannifère de son bois ont entraîné le déclin de l'arbre au XXe siècle.

Souvenirs caustiques…c’est à l’état sauvage, dans les bois et les haies bocagères, sur des terrains siliceux et acides qu’il prospère du moment que le sol soit drainé. Vous pourrez y cueillir avec délectation le Cèpe de Bordeaux, la Chanterelle commune, la Trompette des morts avec lesquels il vit en symbiose. Sa grande capacité à receper et l’aptitude de son bois à la fente ont fait de lui un arbre exploité principalement en taillis sur des révolutions de 7 à 20-25 ans. Les jeunes rejets de 2 à 5 ans, très souples, servent à faire des nasses pour la pêche aux anguilles, casiers à homards, manches, cannes, piquets de clôtures, tuteurs. Pour les arbres plus âgés, le bois sert à fabriquer des charpentes (dans lesquelles les araignées n'y tisseraient jamais leur toile… !), planchers et mobiliers rustiques. Par contre, ce bois est peu recommandé comme combustible, car il a l’inconvénient de péter quand il n’est pas assez vieux et sec. Allez savoir pourquoi on dit de lui que c’est un de ces bois qui "laissent mourir leur mère au coin du feu » ?